Dépendance affective : comprendre, reconnaître et s’en libérer
DÉPENDANCE
AFFECTIVE
:
COMPRENDRE,
RECONNAÎTRE
ET
SEN
LIBÉRER

La dépendance affective est une expérience souvent douloureuse. Parfois invisible, mais bien réelle. Elle s’invite là où on ne l’attend pas : dans nos relations, dans notre façon d’aimer, de nous attacher, de chercher notre place auprès de l’autre.

Beaucoup la confondent avec l’amour. Pourtant, il s’agit d’autre chose : d’un lien qui rassure, et qui enferme aussi. Qui nourrit a priori le sujet … puis finit toujours par le consumer. En réalité, le dépendant affectif n’a de cesse de courir après une chimère. Persuadé que seul l’autre -objet d’amour- peut remplir son tonneau des danaïdes, son vide affectif.

La dépendance affective est un état de souffrance, un phénomène que nous observons de plus en plus dans nos cabinets de thérapie.

Pourtant, elle reste encore assez peu travaillée, trop peu étudiée. Peut-être parce que ce trouble est difficile à catégoriser, souvent dispersé entre les théories de l’attachement, les troubles de la personnalité, les problématiques d’estime de soi, ou encore les addictions. Bref, ce morcellement rend parfois complexe une prise en charge globale. Et c’est justement pour cela que l’École Parisienne de Gestalt consacre son prochain Jeudi de l’EPG à ce thème. Nous vous proposerons ici d’explorer, avec notre invitée Geneviève Krebs, ce qu’est la dépendance affective, comment elle se manifeste et comment il est possible d’en sortir.

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Qu’est-ce que la dépendance affective ?

Derrière le terme de dépendance affective se cache une expérience relationnelle que beaucoup expriment de façon poignante : « Sans l’autre, je ne suis rien. »

Avoir besoin de quelqu’un n’est pas un problème ! C’est même humain : nous sommes des êtres de lien. Le souci, c’est quand ce besoin devient vital. Quand l’absence de l’autre fait perdre pied, comme si plus rien n’avait de sens.

Il ne s’agit pas simplement d’avoir besoin de quelqu’un. Le besoin de lien est constitutif de l’être humain ; nous avons tous besoin des autres pour vivre et nous construire. La difficulté apparaît lorsque ce besoin devient vital, impérieux, au point que l’absence de l’autre entraîne une véritable perte de repères.

Dans ce contexte, le dépendant affectif ne se contente pas d’aimer : il s’accroche. Il recherche dans l’autre une sécurité intérieure qu’il ne parvient pas à éprouver par lui-même. Pour éviter la peur de l’abandon, il peut aller jusqu’à s’effacer, à tolérer ce qui ne devrait pas l’être, à se laisser enfermer dans un lien qui, au lieu de nourrir, finit par étouffer.

La dépendance affective n’est donc pas une preuve d’amour, mais un cri de souffrance. Elle révèle souvent une blessure plus profonde : celle de ne pas parvenir à se sentir exister par soi-même.

Dépendance affective ou amour : comment les distinguer ?

On confond souvent la passion avec la dépendance. C’est vrai que les débuts d’une histoire d’amour ont quelque chose d’exaltant : le cœur qui s’emballe, l’esprit obsédé par l’autre, le désir d’être collé l’un à l’autre, comme si rien d’autre n’existait.

Mais la passion n’est pas la dépendance. Dans un amour qui respire, l’intensité des premiers temps se transforme. Elle laisse place à un lien plus tranquille, qui permet à chacun d’être soi-même. On peut partager, se retrouver, mais aussi s’éloigner un moment sans que tout s’effondre.

Dans la dépendance affective, c’est différent : l’angoisse ne s’apaise pas. L’autre devient ce repère indispensable, presque vital pour tenir face au vide. On s’accroche non pas tant par élan d’amour que pour fuir une souffrance intérieure, celle de l’abandon ou du néant.

L’amour, lui, élargit l’espace et fait grandir. La dépendance, au contraire, resserre l’étau et enferme.

Les origines : Une sécurité interne perturbée

Pour comprendre cette dépendance, il faut revenir au tout début : à nos premiers liens.

John Bowlby, le père de la théorie de l’attachement, a montré combien ces liens précoces façonnent notre façon d’aimer et d’être aimé.

Un enfant qui se sent écouté, reconnu, protégé, développe un attachement « sécure ». Il peut s’éloigner, explorer, puis revenir, confiant que la base est solide.

Mais si l’environnement est instable, distant ou intrusif, il apprend autre chose : que le lien est fragile, qu’il faut se battre pour le garder, ou disparaître pour ne pas le perdre.

Cette insécurité s’imprime profondément. Et plus tard, dans la vie adulte, elle peut se rejouer sous forme de dépendance affective. Ce n’est pas un manque d’amour, c’est un manque de sécurité intérieure. Sécurité qui permet de construire une relation saine avec soi-même, puis avec autrui.

Comment reconnaître la dépendance affective ?

Certaines manifestations reviennent très souvent dans le vécu des personnes dépendantes affectives :

  • Un besoin excessif de reconnaissance et de validation : « Dis-moi que j’existe, que je compte pour toi ».
  • Une peur panique de l’abandon, qui se traduit par de la jalousie, des crises d’angoisse ou une hypervigilance.
  • La tendance à s’oublier pour plaire à l’autre, quitte à renier ses désirs, ses valeurs, son identité.
  • Une tolérance à l’intolérable : accepter des comportements blessants, humiliants ou destructeurs, par peur de perdre le lien.
  • Une obsession pour l’autre, au point de ne plus pouvoir se concentrer sur soi ou sur d’autres domaines de vie.

Tout le monde peut traverser ces états à un moment donné. Mais quand ces comportements deviennent une habitude, qu’ils prennent toute la place et empêchent de vivre pleinement, on entre alors dans la dépendance affective.

Une addiction au lien ?

Beaucoup de cliniciens considèrent la dépendance affective comme l'addiction. Non pas à une substance, mais à un lien.

Comme dans toute addiction, on y retrouve :

  • la perte de contrôle : impossible de mettre fin à la relation malgré la souffrance,
  • le craving : ce manque obsédant de l’autre,
  • la tolérance : un besoin croissant d’attention, de réassurance,
  • la persistance malgré les conséquences négatives,
  • les symptômes de sevrage : angoisse, tristesse profonde, sentiment de vide en cas de rupture.

Ces points communs montrent bien que la dépendance affective n’est pas une simple « faiblesse » : c’est un véritable processus psychique, qui mérite d’être reconnu et accompagné.

Les conséquences : Quand la dépendance freine l’individuation

L’un des grands écueils de la dépendance affective, c’est qu’elle bloque l’individuation. Autrement dit, cette possibilité de se vivre comme un être à part entière, capable de sentir ses propres envies, de poser ses limites, de choisir sa voie et de faire entendre sa voix.

Quand la dépendance s’installe, l’autre prend toute la place. Il devient le centre, le point d’ancrage unique. Alors, peu à peu, le sujet s’efface derrière lui. La créativité se fige. La liberté intérieure se réduit comme une peau de chagrin.

Se libérer de la dépendance affective, ce n’est pas renoncer à l’amour. C’est au contraire apprendre à aimer autrement, sans se nier soi-même.

Sortir de la dépendance affective : un chemin vers soi

La bonne nouvelle, c’est qu’on peut s’en sortir. Pas d’un coup, pas en claquant des doigts. Mais au fil d’un chemin. Un chemin souvent lent, parfois décourageant, mais qui, petit à petit, change la manière de se sentir vivant.

Qu’est-ce que ça demande ?

Cela commence souvent par un retour intérieur : écouter ses besoins, ses désirs, ses limites. Même quand tout cela semble flou. Ensuite, apprivoiser la solitude. Non pas comme une punition, mais comme un espace où l’on peut respirer, se retrouver, se ressourcer.

Travailler aussi l’estime de soi : reconnaître sa propre valeur, en dehors du miroir que tend le regard de l’autre.

Et puis, accepter que la peur soit là. Ne pas la fuir. L’apprivoiser, la rencontrer, pour qu’elle perde un peu de sa force.

Ce chemin peut être accompagné. La thérapie, bien sûr, mais aussi les espaces de partage et de réflexion, comme ceux proposés lors des Jeudis de l’EPG, peuvent offrir un précieux soutien.

J'accède au replay du webinaire sur la dépendance affective de l'EPG 

Ce qu’il faut retenir : aimer sans s’oublier

La dépendance affective n’est pas une fatalité. C’est une souffrance, oui, mais aussi une invitation : celle de grandir en liberté intérieure.

En sortir ne signifie pas cesser d’aimer. Bien au contraire. Cela veut dire apprendre à aimer autrement : sans peur, sans effacement, avec la possibilité de donner et de recevoir dans un mouvement plus juste, plus équilibré.

À l’EPG, nous croyons que parler de ces blessures (souvent cachées, parfois tues pendant des années ) ouvre déjà un chemin. C’est en croisant les regards, en partageant les expériences, que nous avançons ensemble vers plus de conscience, d’autonomie… et de liberté d’aimer.

 

  • Article créé le 22/10/2025
  • Mis à jour le 10/11/2025 à 09h11