La Dépression et la Gestalt-Thérapie
LA
DÉPRESSION
ET
LA
GESTALT-THÉRAPIE

La définition de la dépression selon L’OMS

La dépression, ou troubles dépressifs, est un trouble mental fréquent, touchant tous les groupes de population. Elle se manifeste par une tristesse persistante ou une perte durable d’intérêt et de plaisir pour des activités autrefois appréciées. Contrairement aux variations d’humeur habituelles, elle s’installe presque toute la journée, quasi quotidiennement, pendant au moins deux semaines. Elle s’accompagne souvent de troubles du sommeil, de changements d’appétit, d’une faible estime de soi, d’idées suicidaires, de désespoir, de fatigue et de difficultés de concentration. Elle résulte d’une combinaison complexe de facteurs sociaux, psychologiques et biologiques.

Les différents types de dépressions

Il existe plusieurs formes de dépression :

  • La dépression majeure : Épisode intense et prolongé qui interfère avec la vie quotidienne. Elle peut nécessiter un suivi médical et une prise en charge globale.
  • La dysthymie : Forme chronique et moins sévère, mais qui perdure sur plusieurs années, impactant le bien-être quotidien.
  • La dépression saisonnière : Survient à certaines périodes de l'année, souvent en hiver, en raison du manque de lumière naturelle.
  • La dépression post-partum : Affecte certaines femmes après l'accouchement, avec une profonde tristesse, de l'anxiété et un sentiment de déconnexion avec le bébé.
  • La dépression bipolaire : Alternance d'épisodes de dépression et d'euphorie excessive (manie ou hypomanie).
  • La dépression réactionnelle : Survient à la suite d'un événement douloureux (perte, rupture, choc psychologique).

Qu’est-ce que la dépression en Gestalt-thérapie ?

En Gestalt-thérapie, la dépression ne se réduit pas à des symptômes isolés, mais s’envisage comme une expérience relationnelle et contextuelle, co-construite également dans le champ thérapeutique. Elle reflète une altération de la vitalité, marquée par une discordance entre émotions, sensations, interactions et perception du temps. Cliniquement, elle traduit une perturbation dans la formation des Gestalts : le contact spontané se fige, l’intentionnalité manque de soutien et l’élan vital s’affaiblit. Considérée comme un signal, elle invite à restaurer la fluidité relationnelle, un processus que le thérapeute accompagne en explorant les points de rupture du contact.

Pourquoi choisir la Gestalt pour traiter la dépression ?

  • Reprendre contact avec ses sensations corporelles, son imaginaire, sa créativité
  • Prendre appui avec le thérapeute dans une expérience immédiate et spontanée
  • Remettre en conscience ses besoins
  • Restaurer le flux vital, l’énergie et la connexion à soi et aux autres
  • Savoir s’orienter dans l’environnement en s’appuyant de façon ajustée avec une compréhension de son propre fonctionnement
  • Oser apparaître, cultiver « l’aller-vers » dans son unicité et sa singularité
  • Soutenir l’estime de soi et la prise de responsabilité

L’approche clinique en Gestalt thérapie pour gérer la dépression

1. La désensibilisation

En Gestalt-thérapie, la dépression se caractérise par une perte d’élan vital, un désinvestissement du contact et une déconnexion corporelle. Cette rupture engendre un détachement, parfois masqué derrière une façade sociale. L’accompagnement thérapeutique ne cherche pas à éliminer cette souffrance, mais à réduire la distance entre le patient et son environnement, y compris avec le thérapeute, qui peut lui-même ressentir cet isolement. Cette désensibilisation est travaillée à travers une présence authentique du thérapeute, permettant une revitalisation du contact et une réappropriation des sensations et émotions dans l’ici et maintenant. Ainsi, le patient devient acteur de sa transformation, intégrant son vécu sans chercher à le supprimer.

2. Une posture d’humilité face à la souffrance

En Gestalt-thérapie, accompagner la douleur psychique, comme dans la dépression, demande au thérapeute une posture d’humilité. Il s’agit d’accompagner la personne dans une reconnaissance et une intégration de l’expérience dépressive, en s’appuyant sur la
relation thérapeutique comme un espace de présence et de soutien.

3. L’indice de contact thérapeutique

La perception par le thérapeute de la qualité du lien – qu’elle s’exprime par de la tendresse, de l’empathie ou toute autre forme de résonance émotionnelle – représente un indicateur significatif. Cette émergence d’un contact, aussi ténue soit-elle, offre une base précieuse pour relancer et restaurer la dynamique relationnelle entre le patient et son environnement.

4. Le champ imaginaire

La technique du "champ imaginaire" s’appuie sur l’exploration des images mentales associées à la dépression, telles qu’un "tunnel sans sortie", pour en faire un outil de transformation thérapeutique. Ces représentations deviennent des leviers permettant de modifier l’atmosphère du champ relationnel partagé entre le client et le thérapeute, favorisant ainsi un changement.

5. Le travail corporel 

En Gestalt thérapie, nous partons du postulat que nous sommes « corps ». Nous sommes traversés par l’environnement et nous éprouvons l’autre. Notre éprouvé impacte également l’autre. Il s’agit donc de s’appuyer sur des micro-mouvements, des gestes – pour révéler les émotions sous-jacentes et les ramener à la conscience pour mieux s’orienter et redevenir acteur.

Cas clinique

Dans cette vignette, nous observons comment la Gestalt-thérapie favorise la prise de conscience du vécu présent, la transformation des modes de contact et la reconnexion à soi et à l’environnement. Par l’exploration du ressenti corporel et le dialogue authentique, elle permet à la personne dépressive de retrouver son élan vital et d’expérimenter de nouvelles manières d’être en relation.

Georges, 38 ans, dépressif depuis l’enfance, ancien anorexique

G : « Je ne veux pas me marier avec Lilly…je n’ose pas le lui dire...je me sens tellement fatigué »

Thérapeute - observations : George pose sa tête sur le fauteuil et ferme les yeux. Je sens une lourdeur dans le champ relationnel, comme un épais brouillard. Mes épaules s’affaissent, mes paupières deviennent lourdes. Je me recentre sur mes appuis et la sensation de mes pieds au sol, de mes fessiers sur le fauteuil et de mon dos adossé. A ce moment, je me différencie et je suis riche de l’expérience dépressive vécue dans le champ.

T : « Georges, j’observe que tu as posé ta tête sur le fauteuil et maintenant tu fermes tes yeux. Comment es-tu là avec moi ? »
G : « Je suis avec ta voix »
T : « Comment est-ce d’être avec moi, la tête posée sur le fauteuil, les yeux fermés et ma voix ? »
G : « Je suis serein. »
T : « Qu’est-ce que cela signifie pour toi serein ? »
G : « Calme, tranquille. »
T : « Je t’invite à observer tes yeux, tes mâchoires, tes épaules, ton ventre. Comment sont-ils calmes et tranquilles ? »
G : « Quand tu me dis ça, je vois que mes mâchoires sont tendues…cela me fait mal »
T : « Et si tu laissais parler cette tension que te dirait-elle ? »
G : « Vraiment tu n’arrives à rien ! » silence « Et là – je suis un peu en colère ! Je suis en colère contre moi et Lily » - Le ton de la voix est ténu.

Thérapeute – observations : A ce moment précis, je sens plus distinctement mes appuis. Mes épaules sont plus légères – plus larges – ma respiration est plus ample – j’ai avancé mon torse en direction du client – le champ relationnel ressenti comme cotonneux, épais a disparu – l’espace temporel est plus rapide.

T : « Qu’est-ce que tu observes quand tu ressens de la colère – je note que tes yeux sont maintenant ouverts, et ta tête a bougé. (Georges me regarde maintenant)
G : « Je me sens un peu plus vivant – j’ai plus d’énergie – ça me fait peur » silence « et je me sens seul – je ne sais pas quoi faire. »
T : « Comment te sens-tu seul avec moi ? » « Qu’est-ce que tu observes chez moi qui te fait te sentir seul ? »
G : « Je ne sais pas » (réponse très rapide)
T : « Prends ton temps et observe. »
G : silence « C’est difficile à dire – Peut-être ton visage, il semble fermé – et quand tu es au fond de ton fauteuil »
T : « Je connais ça de moi effectivement quand je suis concentrée – mon visage peut paraître fermé. Imagine que maintenant j’avance un peu vers toi – que se passe-t-il ?»
G : « J’ai peur. »
T : « Comment ressens-tu la peur ? – Peux-tu me montrer où elle se manifeste ? – Observe tes mâchoires – ton cou, tes épaules, ton thorax, ton ventre ?» « Prends ton temps »
G : « Mon cœur accélère, mes trapèzes sont tendus, je me sens oppressé » « En fait, j’ai peur d’essayer ! » « Et si tu me lâchais ? »
T : « Je ne vais pas te lâcher – nous allons expérimenter ensemble en prenant notre temps – tu vas me guider » …

George pourra aborder par la suite un traumatisme précoce avec sa mère.

Nous pouvons observer comment le thérapeute tisse petit à petit un lien dans l’authenticité et comment Georges devient actif – il ose davantage – il apparaît et reprend sa responsabilité. L’awareness dans l’ici et maintenant est au travail pour sortir du figement et créer de nouvelles Gestalt en lien avec le thérapeute.

Résultats

Les techniques de Gestalt contre la dépression produisent donc des effets profonds. Le champ imaginaire aide à transformer une atmosphère oppressante et figée en un élan concret. Le travail corporel met en conscience les blocages, les ajustements conservateurs, l’anesthésie. En mettant le focus sur ces processus, il offre un levier thérapeutique pour une transformation à long terme. Le client pourra reconnaître les signaux avant-coureurs d’une baisse de vitalité et saura traverser cette période avec ses propres solutions.  Les progrès varient, mais l’élan vital revient souvent en quelques séances.

Est-ce que la Gestalt est efficace contre tous les types de dépression ?

La Gestalt-thérapie excelle pour les dépressions modérées liées à des pertes ou des blocages relationnels. Cette approche complète les traitements médicaux dans les cas graves.

Les Avantages de se Former en Gestalt pour Accompagner les Dépressions

Contrairement aux TCC, plus centrées sur la restructuration cognitive et comportementale, ou à la psychanalyse, plus axée sur l’inconscient et le transfert, la Gestalt privilégie le vécu direct, l’exploration du ressenti corporel et le dialogue authentique avec le thérapeute.

Se former à l’approche Gestalt-thérapie pour la dépression permet donc aux professionnels de saisir la dépression comme un phénomène de champ, un ajustement créateur. Être au plus près de l’expérience vécue du client et non dans un lien distancié. Cela permet de travailler avec subtilité sur les atmosphères, le corps et l’imaginaire tout en soutenant la spontanéité. Ces différents outils permettent aux thérapeutes de ne pas rester sur le contenu ce qui enlise la thérapie mais offrent une thérapie dynamique, co-créative.

Se former à la Gestalt-thérapie

Pour Aller plus loin

Frank, Ruella. Les Racines corporelles de l’expérience en psychothérapie. Londres : Routledge, 2022, 1re édition.

  • Dans cette œuvre récente, l’autrice explore comment les processus de mouvement façonnent l’expérience relationnelle, offrant une approche somatique et développementale pour la psychothérapie, avec des études de cas illustrant l’impact des schémas corporels sur le présent.

Francesetti, Gianni, et Roubal, Jan. Approche de la Gestalt-thérapie des expériences dépressives : Une perspective de champ. Londres : Gestalt Press International, 2018, 1ère édition.

  • Cet ouvrage explore la dépression comme un phénomène de champ relationnel, mettant en lumière le rôle transformateur de la relation thérapeutique.

Robine, Jean-Marie. L’Anxiété dans la situation : Perspectives gestaltistes sur la dépression. Paris : Éditions L’Harmattan, 2020, 1re édition.

  • Ce livre relie la dépression à des Gestalts inachevées, proposant un soutien actif au contact pour restaurer la spontanéité.

Roubal, Jan. A Gestalt therapist’s guide through a depressive field. Londres : Routlege 2024, 1ère édition.

  • Ce livre s’adresse aux psychothérapeutes accompagnant des clients dépressifs et explore l’impact de ce travail sur eux. Il propose des pistes pour prendre soin de soi et prévenir l’épuisement professionnel dans une démarche de développement professionnel.

Spagnuolo Lobb, Margherita. Le maintenant-pour-ensuite en psychothérapie. Bordeaux : L’Exprimerie

  • À travers des cas cliniques, l’autrice illustre l’approche gestaltiste, centrée sur le désir de contact qui sous-tend le malaise relationnel et sur le processus qui en révèle la dynamique profonde. Le thérapeute demeure ancré dans l’ici et maintenant tout en soutenant le « maintenant-pour-ensuite.
  • Article créé le 13/05/2025
  • Mis à jour le 19/05/2025 à 10h05

À PROPOS DE L'AUTEURE

Portrait de Emmanuelle Almansa Golaz

Emmanuelle Almansa Golaz

Gestalt-thérapeute, formatrice et superviseure

Après un cursus au sein d’entreprises en tant que cadre et au sein des Hôpitaux Universitaires de Genève, Emmanuelle s'est formée à la Gestalt thérapie à l’EPG avec un 3ème cycle.  Certifiée en psychopathologie et troubles contemporains en gestalt par l’Istuto di Gestalt HCC – Margherita Spagnuolo Lobb et Gianni Francesetti, et auprès de l’institut Developmental Somatic Psychotherapy (New-York et Stokholm) par Ruella Frank et Helena Kallner. Formée à la prise en charge des couples par Marie-Noëlle Salathé (Genève). Membre du comité de l’APSG (Association Professionnelle Suisse des Gestalt-thérapeutes). Elle reçoit à Genève en libéral des adultes, des couples et en groupe. Superviseure.

 

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