Neuropsychologie : Qu’est-ce que c’est ? Comment ça marche ?
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1. Introduction

L’incidence de la neuropsychologie dans la pratique clinique est une notion nouvelle, complexe, en continuelle recherche, et difficile à décrire, d’autant que les rares publications rigoureuses existantes sont volontiers noyées au milieu d’ouvrages de vulgarisation grand public plutôt interprétatifs et simplificateurs.

Nous allons essayer de donner une idée de ce qu’est la neuropsychologie, de ce qu’elle peut apporter à la pratique psychothérapeutique, et de la situer dans le courant psychothérapeutique. Pour cela nous allons commencer par quelques notions introductives qui peuvent, à priori, paraître hors sujet ou de simples rappels, mais qui nous semblent facilitatrices. Nous allons parler ainsi du changement en général et de ses paramètres, du changement en thérapie, de l’importance de la relation pour le changement, de la gestalt en tant que théorie et pratique de la relation, de l’ajustement, pour en arriver à la nature et aux apports de la neuropsychologie.

Trois auteurs peuvent nous aider à comprendre l’intérêt de la neuropsychologie :

  • Schopenhauer : « les causes du monde, s’il y en a, sont inconnues. Le monde est connu comme une conséquence ».
  • Spinoza : « l’esprit et le corps sont une unité et non deux choses séparées ».
  • Lacan : « l’inconscient est structuré comme un langage ». On peut percevoir la structure de l’inconscient d’une personne au travers de l’observation de la structure de son langage.

2. Le changement

On reconnaît généralement trois catégories aux paramètres présidant au changement :
Les paramètres discriminatifs, d’optimisation, et non discriminatifs.

2.1. Paramètres discriminatifs

Sans eux le changement ne peut se produire.

2.2. Paramètres d'optimisation

Ils font le lit de l’action des paramètres discriminatifs.

2.3. Paramètres non discriminatifs

Paramètres dont on croit qu’ils sont indispensables mais dont la présence ou l’absence n’ont pas d’incidence sur le changement.

3. Le changement en psychothérapie

3.1. Paramètre discriminatif

C’est l’expérimentation, répétée, dans l’émotion, qui préside au changement

3.2. Paramètre d’optimisation

C’est d’une part l’intensité de l’adhésion de l’intervenant à la croyance dans la pertinence de son modèle de référence, dans l’efficacité des processus d’intervention qui en découlent, et surtout, d’autre part, la qualité de la relation entre l’intervenant et le client, permettant la création d’un champ qui, sécuritaire quoique risqué, met le client suffisamment à l’abri, et néanmoins suffisamment dans un certain degré de risque, pour pouvoir expérimenter dans la nouveauté.

3.3. Paramètres non discriminatifs

Ils sont constitués du modèle de référence de l’intervenant, modèle qui est en réalité totalement interchangeable. (Seule la croyance de l’intervenant dans la pertinence de son modèle a une incidence).

4. La relation préside au changement

Comme Rogers déjà le soulignait, c’est la relation qui fait le lit du changement et permet l’efficacité des paramètres.
La gestalt propose une théorie et une pratique de la relation.
Les apports de la gestalt peuvent s’appliquer à tous les types de relation :

  • Entre la personne et son environnement (dysfonction existentielle)
  • Entre la personne et une autre personne (dysfonction inter relationnelle)
  • Entre la personne et elle-même (dysfonction intra psychique)
  • Entre la tête de la personne et son corps (dysfonction somatoforme)
  • Entre un organe de la personne et son organisme (maladie somatique)
  • Entre les différents tissus constitutifs d’un organe de la personne (maladie somatique)

5. La Gestalt et la relation

5.1. La Gestalt en général

La gestalt permet une création d’expérience avec une pratique de la relation.

Elle repose sur une théorie du contact, une connaissance de ses fonctionnements harmonieux, une connaissance de ses mécanismes de dysfonctionnement, un apprentissage des mises en place de processus d’ajustements créateurs et réparateurs.

De ce fait, elle peut s’appliquer à tout groupe humain, comme le fonctionnement d’un groupe, d’une équipe, ou le fonctionnement d’une entreprise.

5.2. La Gestalt en thérapie

La Gestalt peut aussi être utilisée pour l’accompagnement d’une personne confrontée à la gestion d’une situation.

Elle permet un approfondissement du décryptage de l’énoncé de la situation, conduisant à l’émergence de l’expérimentation d’un ajustement.

En effet, le client inclut, dans la façon dont il décrit la situation, les informations sur le dysfonctionnement du contact, sur les ajustements dysfonctionnels qu’il emploie et qui à son insu entretiennent sa difficulté.

6. Le changement permet l’ajustement

L’ajustement obéit à un cycle du contact, modulé par des modalités d’ajustement, qui peuvent s’activer de façon harmonieuse ou rigidifiée.

Le dysfonctionnement du contact peut être isolé, induit par les perturbations des modalités d’ajustement. Il peut aussi survenir sur un terrain biologique particulier qui peut avoir une influence (homme, femme, maladie…). Les conséquences éventuelles d’un trouble de l’attachement peuvent avoir elles aussi une influence. Un ou des traits de personnalité dominants peuvent avoir leur mot à dire. La personne pourra aussi être conditionnée par son éducation, subir l’influence de sa micro culture familiale, ainsi que de sa culture d’origine. Elle pourra être porteuse d’une pathologie psychiatrique qui aura son influence, pathologie psychiatrique accompagnée de dysfonctionnements psychophysiologiques qui auront leur mot à dire.

Si c’est en thérapie ericksonienne que Milton Erickson préconise, dans la relation thérapeutique, et à juste titre, pour pouvoir accompagner efficacement un client dans un processus de changement, de le rejoindre sur son terrain, dans son langage, aussi bien son langage verbal que, et surtout, son langage non verbal corporel, ce processus parait généralisable à l’ensemble des approches psychothérapeutiques, particulièrement à l’approche gestaltiste.

C’est pourquoi dans l’accompagnement gestaltiste, comme dans tout autre accompagnement, le thérapeute aura à tâche de repérer et tenir compte des perturbations du cycle du contact, des rigidités des modalités d’ajustement, des séquelles repérables de trouble de l’attachement, d’une éventuelle pathologie organique, ainsi que d’une éventuelle psychopathologie et de son accompagnement de perturbations neurologiques. Car les processus neurologiques peuvent participer aux processus pathogènes du contact, ce qui rend pertinente la nécessité de la connaissance du fonctionnement neurologique harmonieux et du fonctionnement neurologique perturbé.

7. Les apports de la neuropsychologie

Quoi qu’il se passe pour une personne, intérieurement et/ou extérieurement, ça ne peut se passer qu’au travers de son système nerveux. 

  • Extérieurement la personne perçoit des informations au travers de ses organes des sens.
  • Ce qu’elle perçoit est trié par son thalamus.
  • Celui-ci expédie les informations vers les zones appropriées du paléo cortex, visuelle, auditive, corporelle, olfactive.
  • Son hippocampe les met en mémoire.
  • Son hypothalamus et son bulbe rachidien ajustent son corps en réponse à ce qui est perçu.
  • Son colliculus et son pulvinar veillent à ce qui pourrait être menaçant.
  • Sa substance réticulée gère le niveau d’éveil et d’attention.
  • Ses amygdales et son putamen lui font ressentir des émotions en rapport avec ce qui est perçu.
  • Son locus coeruleus gère le niveau de déclenchement du stress.
  • Son cortex cingulaire lui permet d’activer des ajustements déjà expérimentés.
  • Son hippocampe et son circuit de la récompense lui permettent de faire des apprentissages nouveaux
  • Son cortex pré frontal lui permet d’analyser ce qui se passe, d’élaborer de nouveaux ajustements, d’intérioriser l’expérience.

Intérieurement, ces séquences sont pareillement activées, soit par une pensée automatique qui nait spontanément dans le cortex cingulaire, soit par une pensée sélectionnée consciemment avec le cortex pré frontal.

D’une part, chacun de ces étages cérébraux est en rapport avec les autres au travers d’une frontière contact, au niveau de laquelle peut se produire un trouble du contact, d’autre part, la somme des fonctions du cerveau est plus conséquente que la somme des fonctions de chaque étage.

Les techniques d’imagerie modernes permettent, dans certaines conditions, d’observer en direct le comportement des cellules constitutives du cerveau, aussi bien leur comportement individuel que leur comportement en réseaux.

On sait maintenant qu’existentiellement, lors de chaque événement, à mesure que la personne grandit et se mature, de nouvelles connexion neuronales se créent, à chaque étage et entre les différents étages.

De même, au décours de la thérapie, de nouvelles connexions neuronales se créent et permettent le changement.

Il semblerait que lorsque le changement survient, il s’accompagne des mêmes ajustements neuronaux, quel que soit le modèle de référence et d’intervention.

À partir de là, et quel que soit le modèle de référence, si ce sont les mêmes ajustements neuronaux qui président au changement, la tentation peut être grande de s’intéresser particulièrement à ces changements neuronaux et aux modalités d’intervention qui peuvent les favoriser, que ce soit en les activant de façon psychodynamique, de façon cognitiviste, de façon systémique, de façon PNListe, de façon hypnotique, ou même, pourquoi pas, de façon gestaltiste.

D’autant que, que ce soient les cycles du contact, la théorie du self, l’ajustement conservateur, l’ajustement créateur, tous ces modèles de représentation gestaltiste sont confirmés par ce qu’on peut observer des mécanismes de fonctionnement cérébraux avec les techniques d’imagerie.

8. En conclusion

Selon la neuropsychologie, qui considère que nous ne sommes pas notre cerveau mais que sans notre cerveau nous ne sommes pas, les paramètres du changement en psychothérapie seraient les suivants :

8.1. Paramètres discriminatifs

Ce seraient les modifications neurologiques (les nouvelles connexions entre neurones) induites par les expérimentations répétitives accompagnées d’émotion, dans un cadre chaleureux, sécuritaire, quoique pas sans risques. Les modifications neurologiques gouverneraient le processus du changement.

8.2. Paramètres d'optimisation

Ce seraient d’une part les croyances du thérapeute dans l’efficacité de son modèle de référence et des interventions qui en découlent, et d’autre part, et surtout, la qualité de la relation entre le thérapeute et le client. Le modèle de référence du thérapeute serait le contenu utilisé pour activer le processus neurologique du changement.

8.3. Paramètres non discriminatifs

Il s’agirait du modèle de référence du thérapeute, qui est en fait interchangeable du moment qu’il emporte adhésion du thérapeute.
En terme de changement, comme le souligne Spinoza, tout dépend de l’idée qu’on se fait des choses et de l’opinion qu’on en a par rapport au point de vue où on se place.

8.4. Neuropsychologie et Gestalt

La représentation que l’on se fait d’un événement sera plus ou moins proche ou plus ou moins éloignée du réel en fonction des circonstances et de l’impact émotionnel de l’événement. C’est-à-dire qu’elle sera plus ou moins réaliste ou plus ou moins « délirante ». Et donc à chaque instant nous serons plutôt plus « fou » ou plutôt moins « fou ».

La gestalt nous enseigne que l’important n’est pas pour nous d’être « sain d’esprit » ou « fou » mais d’être capable de construire ici et maintenant une représentation de la réalité, recevable dans l’instant, facile à abandonner par la suite, qui va nous permettre sur le moment un ajustement créateur qui nous mène à notre objectif.

La posture du changement, inspirée par le point de vue de Spinoza, lorsqu’elle ne nous est pas directement accessible, pourra le devenir plus facilement par une co création favorisée par une relation avec cet autre qu’est le thérapeute (mode Moyen du self, totalité du cerveau). D’autant plus facilement que le thérapeute tiendra plus compte des apports des neurosciences. Celles-ci nous enseignent que nous sommes plus souvent agis par notre cerveau que nous ne sommes aux commandes (mode Ça du self, hypothalamus, bulbe rachidien, une partie du cerveau limbique). Elles nous enseignent aussi que nous n’avons pas les moyens de percevoir la réalité et que nous ne pouvons que nous en construire une représentation en fonction de ce qui nous est accessible ici et maintenant (mode Moi du self, cortex pré frontal). Elles nous enseignent également que cette représentation s’élabore telle que nous en avons besoin dans l’instant, en fonction de ce qui nous survient et du sens que nous avons besoin de donner à ce qui nous survient, compte tenu de la façon dont ça s’inscrit à ce moment-là dans le continuum de notre histoire personnelle (mode Personnalité du self, cortex pré frontal et cingulaire).

Au final, l’incorporation des apports des neurosciences à la consciousness du processus qui se déroule ici et maintenant entre le client et le thérapeute, reproduction du processus du problème que rencontre le client dans son existence, va permettre un affinement de l’évaluation et va « nourrir » la pertinence du choix d’intervention thérapeutique.

Ce texte a pu être abouti grâce à la chaleureuse collaboration de Martine Masson qui a bien voulu en assurer la relecture et proposer de judicieux ajustements. Qu'elle en soit ici remerciée.

  • Article créé le 19/12/2023
  • Mis à jour le 10/10/2024 à 10h10

À PROPOS DE L'AUTEUR

Portrait de Sydney Gourdet

Sydney Gourdet

Médecin généraliste, psychopraticien, formateur et superviseur

Médecin généraliste, psychopraticien, formateur et superviseur

Formé aux médecines alternatives, aux thérapies corporelles (relaxation, training autogène, biofeedback), au travail avec les états modifiés de conscience (Institut Erickson de Paris pour l’hypnose, Cercle de Lariboisière pour la sophrologie), à la thérapie rationnelle (approche cognitivo-comportementale), à l’approche stratégique (thérapie brève de Palo Alto), à l’approche humaniste (gestalt-thérapie EPG), à la supervision (Institut Erickson de Paris, EPG).
Post vice-président de l’institut Milton Erickson de Paris, post vice-Président de l’Association Française de Médecine Comportementale, cofondateur de l’Ecole de Sexothérapie à Orientation Gestaltiste (ESOG).
Sydney appuie sa pratique sur la philosophie de la sémantique générale de Korzybski. Il s’intéresse depuis dix ans aux apports des neurosciences à la pratique clinique et psychothérapeutique.

FORMATION

  • Certification de gestalt-thérapeute / École Parisienne de Gestalt 
  • Formation de superviseur / École Parisienne de Gestalt 
  • Diplôme de deuxième cycle sur l'approche interactionnelle / P.Alto
  • Séminaires sur le soutien psychothérapeutique / Institut de formation psychopathologique de l'hôpital Necker - Paris 
  • Diplôme d'hypnose clinique et psychothérapie ericksonienne / Institut Erickson - Paris
  • Diplôme de formation à la prise en charge de la douleur chronique / Association pour la recherche et l’enseignement en neurophysiologie
  • Diplôme de sophrologie clinique / Cercle de Lariboisière
  • Diplôme de neuroacupuncture auprès / Association médicale de neuroacupuncture et de biostimulation

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