Comment la thérapie se met-elle en place ?
La grande spécificité des thérapies d’enfant réside dans le fait que celui-ci vit dans son milieu familial et en dépend en raison de son immaturité et de son développement toujours en cours. Accueillir un enfant en thérapie, c’est donc toujours accueillir aussi ses parents.
La demande est souvent celle du parent ou si elle est celle de l’enfant, elle est systématiquement exprimée en premier lieu par le parent qui contacte le thérapeute.
Nous avons donc à faire à un enfant « amené par ses parents » pour une difficulté identifiée par eux et parfois sur la suggestion d’un tiers, l’école ou le médecin par exemple.
Cette singularité de la demande nous conduit à prendre grand soin des premières rencontres au cours desquelles nous pourrons évaluer, qui demande, qui souffre, qui a besoin d’être accompagné. Selon les thérapeutes, diverses modalités de rencontre sont envisageables (voir d’abord les parents seuls ou les voir avec l’enfant) mais la rencontre avec les parents est toujours un préalable indispensable, nécessitant parfois plusieurs séances avant que le travail avec l’enfant ne s’engage.
En tant que gestalt-thérapeute, soucieuses de prendre en compte l’indissociabilité entre l’organisme et l’environnement, nous sommes attentives à la dynamique familiale et à la manière dont elle organise la demande faite par les parents.
Soulignons aussi ici que sans alliance avec les parents, aucun accompagnement n’est possible avec les enfants. Cela nécessite pour le thérapeute d’accueillir les parents avec le plus d’ouverture possible et de faire preuve de délicatesse avec eux qui, en consultant, s’exposent souvent dans leur vulnérabilité ou leurs zones d’impuissance.
De la demande à la proposition d’accompagnement
Troubles du sommeil, difficultés relationnelles à l’école, peurs diverses, contexte familial en changement (séparation, deuil, maladie d’un des parents…) les motifs de consultation sont nombreux et on ne peut tous les citer ici. En tant que gestalt-thérapeute, ces motifs ne nous intéressent pas seulement en tant que tel, nous les abordons aussi en regard de ce qu’ils disent de la manière dont l’enfant est en contact avec son environnement et de ce qu’ils signifient en termes d’interruption d’un mouvement de croissance. Ce regard singulier nécessite d’élargir l’exploration initiale au-delà du symptôme. Dans quel environnement l’enfant évolue-t-il ? Ses difficultés se manifestent-elles dans des circonstances particulières ? Comment les parents partagent-ils les tâches éducatives ? Comment vivent-ils les difficultés que rencontre l’enfant ? Et bien d’autres questionnements qui émergent dans la rencontre avec ces parents-là.
Le temps pris à explorer la demande nous permet généralement de faire une proposition d’accompagnement incluant les parents de façon ajustée :
- Qu’allons-nous proposer si l’enfant, qui nous présente une difficulté qui lui est propre, a besoin de partager son monde interne et d’être soutenu dans de nouveaux ajustements aux situations qu’il rencontre ?
- Quel sera l’accompagnement adéquat si la problématique présentée par l’enfant s’inscrit plus clairement dans une dynamique relationnelle désajustée ?
- Enfin qui devient notre patient lorsque l’enfant n’est clairement pas demandeur ou qu’il n’est pas « celui qui souffre » ?
Notons que quelle que soit l’orientation du travail, nous accueillons les parents en tant qu’équipe parentale et non en tant que couple conjugal. Nous nous intéressons à la manière dont ils sont parents ensemble.
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Le cadre de travail avec l’enfant et ses parents
Toute thérapie nécessite un cadre qui permet aux patients de s’investir en sécurité. La thérapie avec les enfants n’y échappe pas et nécessite des ajustements à cette configuration singulière. La fréquence, le tarif, la durée des séances, les conditions d’annulation sont à préciser. Nous devrons aussi aborder de manière singulière la question de la confidentialité : en fonction de l’âge de l’enfant, Comment allons-nous garantir la confidentialité tout en continuant d’échanger avec les parents ? C’est parfois un travail d’équilibriste pour le thérapeute.
Le travail avec l’enfant, comment concrètement et avec quelle posture ?
Le travail avec l’enfant tient compte de son âge et de son niveau de développement, on ne travaille pas de la même façon avec un enfant de 5 ans, 8 ans, ou 12 ans.
Avec l’enfant, l’expression de soi est moins verbale que chez l’adulte. Elle passe par le jeu, le dessin, la pâte à modeler, le récit d’histoire. Comment le thérapeute va-t-il s’engager dans ces modalités particulières ? Comment s’y prendre pour soutenir l’expression de l’enfant au travers du jeu ?
En tant que gestalt-thérapeutes, nous ne nous intéressons pas seulement au contenu véhiculé par ces divers modes d’expression mais aussi au processus qui se développe à l’occasion du jeu. La relation est un espace essentiel d’observation. Le thérapeute devra développer son intérêt pour les interactions et les modalités du contact à l’œuvre. Quelles sont alors les éléments d’observation qui pourront l’aider à ajuster ses interventions ?
Les enfants ne sont pas nécessairement en mesure de dire ce pour quoi ils sont là et ce qui les fait souffrir. Ils nous le montrent ou nous le font vivre. Par exemple, un enfant qui a du mal à nouer des relations à l’école, peut dans le cabinet, s’isoler, se mettre à lire seul, ne jamais solliciter le thérapeute. A cette occasion, l’expérience du thérapeute est précieuse pour accéder à l’expérience subjective puis pour orienter la dynamique du travail. L’awareness du thérapeute se doit donc d’être particulièrement alerte dans l’accompagnement des enfants. L’art du thérapeute d’enfant est de s’appuyer fondamentalement sur son éprouvé pour choisir ses interventions. Quand les mots sont moins présents, comment accompagner l’enfant au plus juste et faire évoluer cet accompagnement dans la durée de la thérapie ?
Le travail avec les parents bénéficie aussi de cette posture impliquée. Comment sommes-nous alors attentifs à ce qui se passe à la frontière contact lorsque nous les recevons ? Nos propres ressentis sont une précieuse source d’information sur ce que configurent les parents et peut-être ce qu’ils font vivre à leur enfant. Comment utiliser ce que nous ressentons pour faire avancer le processus ?
Travailler avec les enfants enrichit notre travail avec les adultes
Accompagner les enfants et leurs parents est un travail exigeant qui nécessite de prendre en compte la complexité d’une situation dont les parents ne peuvent être exclus. Pour le thérapeute, il s’agit aussi d’un espace de confrontation transférentiel multiple : l’enfant en lui, le parent en lui ne manquent pas d’être convoqué.
L’enrichissement est cependant à la hauteur de la complexité. Pour peu qu’ils aiment et sachent jouer (au sens du play de Winnicott), ce qui est absolument indispensable dans cette pratique, les thérapeutes d’enfant développent leur sensibilité somatique et émotionnelle, ils lâchent la parole qui encombre parfois les thérapies d’adulte, ils expérimentent une situation plus qu’ils ne la commentent, autant d’aptitude qui peuvent être mises au service de la thérapie avec les adultes. Le travail avec l’enfant enrichit également notre connaissance des besoins de celui-ci en fonction des périodes de développement et peut nous rendre plus sensible aux enfants que nos clients adultes ont été.
Et la gestalt-thérapie avec les adolescents ?
L’adolescence, une période de différenciation et de remaniement identitaire
Par définition l’adolescence est une période de modifications intenses sur tous les plans, émotionnel, hormonal, corporel, cognitif, social, neuronal… Elle s’impose à l’adolescent qui n’a pas d’autres choix que d’être confronté à ces mutations qui contribuent à remanier profondément son identité. A ce titre, c’est une période à risque, au cours de laquelle certaines pathologies vont éventuellement se développer mais aussi une période de croissance tout à fait féconde.
Sur le plan relationnel, c’est un moment au cours duquel, l’adolescent se différencie davantage de son milieu familial, s’oriente vers le monde extérieur et de manière privilégiée vers ses pairs, tout en restant en partie dépendant de ses parents (c’est ce que Philippe Jeammet, psychiatre, nomme le paradoxe de l’attachement). Cette singularité relationnelle qui place l’adolescent entre besoin d’appartenance ou de proximité et besoin de différenciation, colore les thérapies d’adolescents en termes d’intervention, de cadre et d’ajustement relationnel.
Cette singularité oriente aussi la manière dont les thérapeutes devront inclure les parents : le thérapeute d’adolescent devra prendre en compte ces dimensions particulières de l’adolescence tout en sachant continuer d’intégrer les parents de manière ajustée. Comment pourra-t-il en particulier garder l’espace confidentiel du à l’adolescent sans perdre de vue les parents ?
Quelle posture gestaltiste avec les adolescents ?
Notre assise, notre solidité intérieure, notre capacité à tenir le cadre, notre constance sont des éléments indispensables à la sécurité de l’adolescent pour qui rien ne tient plus dans cette période d’intense transformation. Comment développer notre tolérance à la frustration, aux oublis, aux absences que les ados ne manqueront pas de nous faire vivre ?
Les adolescents ont besoin que l’on s’intéresse sincèrement à eux. Quelles sont les interventions et les attitudes qui vont nous permettre d’être curieux de leur monde et de les prendre au sérieux même quand ils semblent nous parler de façon anecdotique ?
Et le dévoilement… Peut-on se dévoiler avec les adolescents et comment ? Comment être authentique sans être intrusif ? Avec eux, nous sommes comme sur un fil et ils sont très sensibles à nos désajustements. Comment trouver la justesse de la rencontre ? A quelle distance physique et relationnelle se situer ? Comment les accueillir là où ils en sont, ni enfant, ni adulte ?
Pour finir,
Le travail avec les enfants, les adolescents et leurs familles est passionnant et la posture gestaltiste est d’une grande richesse dans la rencontre avec ces jeunes personnes.
Se former à l’accompagnement de ce jeune public est néanmoins nécessaire pour s’ajuster aux besoins spécifiques des enfants et des adolescents. Mettre en place un cadre adapté, tenir compte des enjeux liés à la dynamique familiale et intégrer les éléments de déontologie spécifiques à cette pratique, sont des compétences indispensables à une pratique sereine et respectueuse de la thérapie d’enfants et d’adolescents.
Je souhaite me former en Gestalt-thérapie pour enfants et adolescents
Pour aller plus loin
Chauveau-Obringer Josiane, Thérapie d’enfants, un regard gestaltiste, L’Harmattan, 2022
Chaussin Anne, « Attentive aux parents, au service de l’enfant », Revue Gestalt, n°60, 2023
Masquelier-Savatier Chantal (Sous la direction de), La Gestalt-thérapie avec les enfants et leurs familles: 13 situations cliniques, Editions in press, 2020
Rossignol Françoise, « Avec les enfants et les adolescents », dans Le grand livre de la Gestalt, Eyrolles, 2019
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- Article créé le 30/01/2025
- Mis à jour le 03/02/2025 à 15h02
À PROPOS DES AUTEURS

Anne Chaussin
Psychologue clinicienne, gestalt-thérapeute, formatrice, thérapeute EMDR, superviseure
Psychologue clinicienne, Anne a exercé pendant 20 ans dans diverses structures hospitalières et médico-sociales où elle accompagne professionnels et patients dans leur confrontation au vieillissement, à la maladie somatique et au deuil.
Gestalt-thérapeute formée à l’EPG, elle reçoit en libéral des adultes, des adolescents et des enfants aux Lilas, en Seine Saint Denis. Egalement praticienne en EMDR, Anne est sensible à la dimension psychotraumatique dans sa pratique de la psychothérapie. Formatrice à l’EPG en 1er et 3e cycle, Anne est également superviseure, et fait partie du comité de lecture de la revue Gestalt.
FORMATION
- Certification de gestalt-thérapeute, École Parisienne de Gestalt
- Thérapie EMDR / Institut français d'EMDR
- Le toucher / Acorpsdense - Claudia Gaulé
- L’expérience dépressive / Gianni Francesetti
- Gestalt thérapie pour enfants et adolescents / École Parisienne de Gestalt - Josiane Obringer, Aude Lavoisier, Chantal Masquelier
- D.E.A. de psychologie clinique, pathologique et psychanalytique, Paris V
- D.E.S.S. de psychologie clinique et pathologique, Paris V
- Maîtrise de psychologie clinique et pathologique, Paris V
BIBLIOGRAPHIE
ARTICLES
Attentive aux parents, au service de l'enfant, Revue Gestalt, 2023/1, n°60, pages 53 à 65
"La stratégie a-t-elle une place en Gestalt-thérapie?", Revue Gestalt n°57, 2021/2 (n° 57), p. 69 à 84
Psychopathologie et posture gestaltiste, Cahiers de Gestalt-thérapie, 2018/2 (n° 40), p. 172-187
AUTRES BILLETS DE BLOG
- La psychologie comportementale : qu'est ce que c'est ?
- Se former à la gestalt-thérapie quand on est psychologue
LIENS EXTERNES

Anne Sartori
Gestalt-thérapeute, titulaire du CEP, formatrice, superviseure
Gestalt thérapeute titulaire du CEP, superviseure agréée, Anne reçoit en cabinet libéral où elle prend en charge enfants, adolescents et adultes. Elle continue également d'exercer en entreprise en tant que formatrice, coach de dirigeants et d'équipes de direction ainsi que superviseur de coachs. |
FORMATION
- Certification de gestalt-thérapeute
- Diplôme Executive Coaching d'Equipe / HEC